Pour la plupart d’entre nous, le mot marque évoque tout d’abord des produits, des services, et leur exploitation marketing : un logo, un packaging, un identité visuelle, des campagnes de publicité. Tout cela, c’est la face visible, manifeste : celle que l’on peut voir, toucher et qui fonde notre perception de la marque. Pourtant, toutes les marques ont une face cachée, peu connue du plus grand nombre, sauf de quelques rares professions initiées. Cette face cachée, c’est ce que nous vous proposons de découvrir dans cette newsletter.

1- La marque est avant tout un objet juridique

Contrairement à bien des idées reçues, ce ne sont pas le marketing et la communication qui créent les marques. Bien sûr, ils aident à les construire, mais le fondement de la marque est avant tout et exclusivement juridique.

C’est le dépôt du nom dans un registre de marque – l’INPI par exemple –  qui transforme le nom en marque et, ce faisant, constitue l’acte de propriété de la marque pour son déposant. En d’autres termes, il n’y a pas de marque sans dépôt. Ceci doit être nuancé dans les pays anglo-saxons, où  le droit peut être créé par l’usage, même en l’absence d’un dépôt. C’est ce qu’on appelle alors les marques de common law.

La langue anglaise est à ce sujet plus précise que la nôtre, puisqu’elle distingue clairement les brands, terme marketing, des trademarks, terme juridique correspondant aux marques déposées et aux marques de common law.

Le dépôt se matérialise par un numéro de dépôt, qui deviendra un numéro d’enregistrement une fois que la marque aura été publiée, et si aucune opposition et/ou objection n’a été relevée.

Ce n’est d’ailleurs pas sans raison que certains grands groupes, possédant un portefeuille de plusieurs centaines voire milliers de marques, exploitées à l’étranger, sont amenés à réaliser des audits juridiques de leur portefeuille. Et l’on découvre alors parfois que les droits (au sens juridiques) de telle ou telle marque ne sont pas acquis dans certains pays, et que les revenus générés par ces marques peuvent à tout moment être contestés et stoppés.

Quand cela se produit, cela fait rarement la une des journaux, mais les conséquences peuvent être désastreuses : retrait du stock des linéaires, ventes perdues, coûts de stockage… Il arrive également qu’en cas de rachat de sociétés, les actifs valorisés avant le rachat s’avèrent inexploitables, parce que les droits d’utilisation n’ont pas été sécurisés par la société vendeuse et/ou pas vérifiés par la société acheteuse. Ces situations sont plus courantes qu’on ne l’imagine.

CE QU’IL FAUT RETENIR :
C’est le juridique qui constitue le fondement de la marque.
La marque c’est un titre de propriété sur un nom, qui définit les conditions et les limites de son exploitation sur une zone géographique donnée, un ou des secteurs, et dans une limite de temps (10 ans renouvelables).


2- La marque, c’est aussi un objet informatique

L’informatique a révolutionné l’univers des noms de marques.

Autrefois, les noms déposés étaient consignés dans des journaux papier (des gazettes), le dépôt se faisait à l’office de propriété intellectuelle, il fallait se déplacer, c’était long et fastidieux. Aujourd’hui, les dépôts se font en ligne, et les noms sont conservés dans des bases de données informatiques.

Ces bases de données de marques sont gérées par les registres de propriété intellectuelle; certains sont nationaux : l’INPI* pour la France, le DPMA* pour l’Allemagne, l’USPTO* aux Etats-Unis… d’autres sont internationaux :  comme  l’OHIM*, office des marques communautaires, ou l’OMPI* pour les marques internationales.

En France, un premier office des marques et des brevets a été créé en 1902 : l’ONPI. Il sera remplacé en 1939 par le Service national de la propriété industrielle, puis par l’INPI à partir de 1951. La base des marques françaises a été informatisée et commercialisée à partir de 1985. C’était avant Internet, c’était l’heure du Minitel et du 3615 IciMarques.

L’OMPI, office mondial de la propriété intellectuelle, a été créé en 1967. L’informatisation des bases de marques s’est faite en deux temps: les enregistrements ont été effectués de manière informatique à partir de 1988; en revanche il a fallu 7 années, de 1989 à 1996, pour numériser l’ensemble des archives papier de toutes les marques antérieures à 1988.

3- L’informatique a accéléré l’internationalisation des marques

Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’informatisation des bases de marques, en parallèle de la création des registres communautaire et international, a été un formidable accélérateur pour les marques et leur internationalisation.

Ce qui était long et fastidieux est devenu simple et facile à mettre en oeuvre. Avec l’OHIM, on peut en un seul dépôt enregistrer son nom simultanément dans les 27 pays de la communauté européenne; avec l’OMPI, on peut à partir d’un dépôt national faire une extension internationale couvrant  jusqu’à 80 pays.

De fait, les grands groupes déposent aujourd’hui très facilement leurs nouvelles marques dans de multiples pays, avant même qu’elles ne soient lancées.

C’est le cas du Groupe L’Oréal, qui a déposé 155 nouveaux noms de marques en 2010. Près de 70% d’entre eux, ont fait l’objet d’un dépôt international et/ou d’un dépôt ou d’une extension communautaire l’année même du premier dépôt national. Les dépôts strictement nationaux n’ont compté que pour 30% des noms déposés.

CE QU’IL FAUT RETENIR :
Auparavant, l’internationalisation d’une entreprise ou d’un groupe se faisait sur plusieurs décennies. Aujourd’hui, l’internationalisation commence avant même que les produits ne soient mis sur les marchés, nationaux ou internationaux. Elle commence dans les bases informatiques des registres de marques.

4- L’informatique fournit également des outils de veille au service des marques

Le pendant de cette facilité d’enregistrement, c’est la facilité pour toute entreprise à voir ce que font ses concurrents. Les nouvelles technologies ont donné le jour à de multiples outils de surveillance, que ce soit dans les registres de marques, de noms de domaines ou tout simplement sur Internet, et notamment Google.

UN EXEMPLE
8 jours après avoir lancé son offre lowcost Sosh, le service veille d’Orange découvre qu’un jeune entrepreneur fougueux et insouciant, lançait un site comparatif des offres de téléphonie mobile low-cost… baptisée soshe.

Une lettre d’avocat plus tard, et quelques nuits blanches à se demander comment sortir de cette impasse, le jeune imprudent a finalement trouvé la parade en rebaptisant son site : soshemovedtolowcost / pourquoi ma fille est-elle passée au low cost. Mais tout le monde n’a pas sa chance ou son ingéniosité !

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EN CONCLUSION

L’univers des noms de marques s’est métamorphosé au cours des 20 dernières années. Internationalisation et informatisation ont conduit à un univers paradoxal, où il est infiniment plus facile de déposer ses marques mondialement et d’en assurer la gestion, mais où la multiplication des marques conduit parallèlement à un engorgement et à un accroissement des problèmes juridiques.

Deux chiffres donnent la mesure de cette progression fulgurante: en 1985, quelque 500.000 marques ont été déposées dans le monde (source OMPI, rapport 2011). En 2010, 25 ans plus tard, il y a eu sur l’année 3,16 millions d’enregistrements.

Nombreux sont ceux qui pensent encore que la création de noms est simple affaire de créativité. Aujourd’hui, la création aussi doit nécessairement s’adapter, en s’appuyant sur les outils d’ingénierie linguistique, pour gérer le nombre et la complexité des marques déposées partout dans le monde. Mais ça, c’est un autre sujet.

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