« On est ce qu’on mange », mais on est aussi ce qu’on boit. Par exemple : l’eau des montagnes nous communique sa pureté, et la consommer nous rend meilleur, physiquement et moralement ; le sucré de la limonade nous fait vivre une délicieuse régression qui renvoie l’adulte à son enfance ; etc.

De même, ce n’est pas nouveau qu’une boisson donne de l’énergie, du « peps » : la vitamine C du jus d’orange est un grand classique de la remise en forme. Ce qui est original aujourd’hui, c’est d’utiliser comme promesse unique la qualité énergisante d’une boisson. Et une analyse même rapide montre que, comme toujours, le nom sera un élément déterminant dans l’expression de cette promesse.

On passera brièvement sur les boissons énergétiques, exclusivement liées à l’effort physique. C’est un segment qui a connu son essor dès les années 60 avec Gatorade – élaborée originellement pour « aider » les joueurs des équipes des « Florida Gators » aux Etats-Unis. Le nom est d’ailleurs l’expression littérale du message : Gatorade = j’aide les Gators.

 

Cette notion d’ « aide » est devenue un puissant marqueur du segment, et elle a été purement et simplement reprise par Coca-Cola Company pour le lancement de son « Powerade » (= « je vous aide en vous donnant plus de puissance »).

Powerade

Plus intéressant du point de vue du namer sera le segment des boissons énergisantes. Il porte en effet une prise de position plus complexe : il ne s’agit pas ici d’aider à une performance, mais de supporter la fatigue pour « faire durer le plaisir ».

Cette notion à la fois physique et psychologique a été parfaitement exprimée dans le nom de la marque fondatrice du segment : « Red Bull » – lancée en 1987. Le nom Red Bull, c’est à la fois la composition du produit (la taurine), la promesse (la force et la puissance du taureau) et l’imaginaire (le chef indien). Notre conviction : avoir pu encapsuler dans un nom ces trois dimensions lui confère une autorité exceptionnelle. Du point de vue du nom, Red Bull a quasiment verrouillé le segment, et les nouveaux intervenants ont bien du mal à le déloger.

Red Bull

Trois grandes options de naming se dessinent dans la concurrence :

. Le « côté obscur de la force » : face au gentil « Red Bull », on choisira le camp de « Dark Dog », un peu comme dans les années 60 où on était Stones plutôt que Beatles, ou aujourd’hui Lady Gaga plutôt que Madonna. Ou alors on sera sensible à la référence à la culture ados que porte « Monster Energy » – évoquant les films d’horreur de série B – ou « Burn » – un classique de la sémantique hard rock, de Deep Purple à Scorpions. S’il est clair que ces noms peuvent capter un public, leur faiblesse vient de l’hommage indirect qu’ils rendent au leader : on se veut une alternative, mais on prend le risque d’être perçu comme une simple copie, un avatar bas de gamme de la vraie marque légitime.

Dark DogMonster EnergyBurn

 

 

 

 

 

 

. Faire « tendance » : « Rockstar » ou le polysémique « Bum » (qui signifie à la fois « clochard », « fesses » et « fan ») semblent faire plus référence à l’univers de la nuit en général. L’idée : quitte à aller en boîte ou dans des concerts, autant consommer la boisson conçue pour ça. Mais la faiblesse réside alors dans la mise à l’écart de toute référence aussi bien à la composition du produit qu’à ses effets. En conséquence, on comprend moins bien de quoi il s’agit ; le nom pourrait convenir à bien des produits.

 

. La surenchère : C’est le choix d’intervenants plus récents et plus marginaux : avec « Lapin pin-pin » on aborde frontalement et avec humour la dimension sexuelle… Mais en quoi la sexualité mécanique du lapin fait-elle le poids face à la puissance sexuelle du taureau ? On a mis les rieurs de son côté, mais au moment de passer à l’acte (d’achat), c’est Red Bull qui risque de gagner ! Quant à « Truc de fous », il revendique une originalité plutôt éloignée d’un nom de boisson.

Lapin pin-pinTruc de fou

 

 

 

 

 

 

 

Pour finir, il nous semble que le nom « Chamane » (lancé en 2010) est le seul à proposer une alternative crédible au tout-puissant Red Bull : celui d’une énergie cosmique et non animale, celui d’une promesse plus soft , moins machiste, le chamane étant plus un guide spirituel qu’un mâle dominant. Bref, une force « naturelle » qui ouvre une voie originale pouvant marquer le début d’une vraie évolution de ce segment.

 

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