L’affaire Inès de la Fressange a été une affaire mouvementée et très médiatique.
En 1991, Inès de la Fressange créée sa propre société « Inès de la Fressange » en association avec le groupe ORCOFI. Elle dépose cette année-là par le biais de sa société, INES DE LA FRESSANGE Société Anonyme, plusieurs marques contenant les termes « Inès de la Fressange ». Dans le même temps elle devient employée de cette société en tant que directrice artistique. C’est dans ce contexte qu’elle cède par contrat, qui sera renouvelé en 1994, « la pleine et entière propriété sans restriction ni réserve » des marques Inès, Inès de la Fressange et De la Fressange.
En 1994, la société ORCOFI cède l’entreprise ainsi que les droits qu’elle détient sur les marques à un nouveau cessionnaire. Si, dans un premier temps, le contrat de travail d’Inès de la Fressange est maintenu, elle sera ensuite licenciée.
En 1999, la société procède à son licenciement mais est condamnée par la Cour d’appel de Paris pour licenciement abusif. Estimant que ce licenciement remettait en cause les conventions passées avec la Société Inès de la Fressange, en particulier l’acte de cession de marques de 1991, Inès de la Fressange tente de récupérer en justice ses droits sur les marques cédées. Elle demande en justice l’annulation du contrat de cession ainsi que la déchéance des marques cédées.
Demande de déchéance des marques :
« Inès » n° 688 979/1 258 069
« Inès de La Fressange » n° 688 980/1 258 070
« Inès » n° 186 826/1 574 740
« Inès de La Fressange » n° 186 827/1 574 741
« Inès » n° 288 923/1 668 875
« de La Fressange » n° 288 925/1 668 877
« Inès de La Fressange » n° 288 924/1 668 876
« Inès » n° 292 013/1 671 651
« de La Fressange » n° 292 014/1 671 652
« Inès de La Fressange » n° 292 015/1 671 653
« Inès de La Fressange » n° 95 573 072
« Inès » n° 966 18 635
« Inès de La Fressange » n° 96 656 111
TGI de Paris – 17 Septembre 2004.
Le TGI de Paris, le 17 Septembre 2004 fait droit à ses demandes et déclare que Mme de la Fressange recouvre « rétroactivement l’usage de ses prénom et patronyme et de son droit à l’image ». La société Inès de La Fressange fait appel de cette décision. Quant à Inès de La Fressange, elle demande que soit prononcée la déchéance de ses marques.
Cour d’Appel – 15 Décembre 2004
La Cour d’Appel le 15 Décembre 2004, infirme le jugement en ne voulant pas procéder à l’annulation du contrat de cession. Toutefois, la Cour fait droit à la demande de déchéance des marques cédées. La Cour fait application de l’article L. 714-6, b), en vertu duquel « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait : b) propre à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ». Selon la Cour, la société a commis une faute en maintenant artificiellement dans l’esprit des consommateurs un lien entre l’image attachée à la personnalité et les produits vendus. L’utilisation à titre de marque du nom d’Inès de La Fressange, alors que celle-ci ne joue plus aucun rôle dans la société, s’avère effectivement trompeur pour le consommateur.
« La marque constituée d’un nom patronymique, d’un prénom ou de la combinaison des deux ayant acquis une notoriété telle qu’ils deviennent un signe évocateur et indicateur pour le consommateur, ce dernier lie d’évidence dans son esprit le produit marqué à la personne dont l’identité est déclinée à titre de marque ».
Cour de Cassation – 31 Janvier 2006.
La Cour de Cassation, le 31 Janvier 2006, casse l’arrêt rendu par la Cour d’Appel sur la base du Code Civil. La Cour de Cassation rappelle le principe selon lequel le vendeur d’une chose doit garantir le cessionnaire contre tout trouble de droit qui serait de son propre fait. Or, en agissant en déchéance, Inès de la Fressange manque à son obligation de garantie contre tout trouble auprès de la société Inès de la Fressange. Ainsi, selon la Cour, on ne peut pas demander la déchéance d’une marque que l’on a nous même cédée. La Cour de cassation annule donc l’arrêt de la Cour d’Appel sans se prononcer sur le caractère trompeur que l’utilisation de la marque peut engendrer auprès des consommateurs.
« Madame de la Fressange, cédante, n’était pas recevable en une action tendant à l’éviction de l’acquéreur ».
Dès lors, la SA Inès de la Fressange peut continuer à utiliser le nom patronymique Inès de la Fressange indépendamment du départ du porteur du patronyme.
Résumé
1991 : Création de la SA Inès de la Fressange par cette dernière, en association avec le groupe ORCOFI + signature d’un contrat de cession des marques Inès, Inès de la Fressange et De la Fressange. Dépôt de plusieurs marques contenant les termes « Inès de la Fressange » par Inès de la Fressange SA en classe 3, 9, 14, 16, 18, 20, 24, 25, 26, 27, 28, 34. 1994 : Le groupe ORCOFI cède la société à un autre cessionnaire + renouvellement du contrat signé en 1991 sur la cession de marques. 1999 : Licenciement « abusif » d’Inès de la Fressange de la société qu’elle a contribué à créer. 17 septembre 2004 : TGI de Paris annule le contrat de cession des marques signés par Inès de la Fressange. 15 décembre 2004 : Cour d’Appel de Paris refuse d’annuler le contrat de cession mais prononce la déchéance des marques cédées au motif que l’utilisation à titre de marque du nom d’Inès de La Fressange trompe le consommateur puisque cette dernière ne fait plus partie de la société. 31 janvier 2006 : Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel en considérant qu’Inès de la Fressange ne peut pas demander la déchéance des marques cédées puisqu’en faisant cela elle manque à son obligation de garantir la bonne jouissance des droits cédées. « Qui garantit, ne peut évincer ». |
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